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Kemal Gözler, « Sur la validité des limites à la révision constitutionnelle déduites de l'esprit de la constitution », Annales de la Faculté de droit d’Ýstanbul, Vol, XXXI, mai 1997, p.109-121 (www.anayasa.gen.tr/esprit.htm).

(Le texte original de cet article est publié dans les Annales de la Faculté de droit d’Ýstanbul, Vol, XXXI, mai 1997, p.109-121).

 

Les pages originales sont indiquées entre paranthèses (p.XX) dans le texte.


 

(p.109)

Annales de la Faculté de droit d’Ýstanbul, Vol, XXXI, mai 1997, p.109-121

Sur la validité des Les limites
à la révision constitutionnelle déduites
de l'esprit de la constitution

 

 

 

Dr. Kemal GÖZLER*

 

Quand il s'agit de la limitation du pouvoir de révision constitutionnelle, une partie de la doctrine du droit constitutionnel ne se contente pas d'énumérer les limites à la révision constitutionnelle inscrites dans la constitution, mais allant encore plus loin, elle envisage d'autres limites susceptibles de s'imposer à l'exercice du pouvoir de révision constitutionnelle.

Par exemple, certains auteurs pensent que la constitution a un esprit et en déduisent des limites à la révision constitutionnelle. Ainsi, selon ces auteurs, le pouvoir de révision constitutionnelle est limité non seulement par les restric­tions découlant d'une disposition constitutionnelle expresse, mais encore par les restrictions déduites de l'esprit même de la constitution. Dans la doctrine constitutionnelle, on appelle en général les dernières, les « limites implicites », les « limites tacites » ou les « limites immanentes »[1]. Nous préférons les appeler les « limites déduites de l'esprit[2] de la constitution »[3].

Nous allons d'abord expliquer ici les thèses déduisant des limites à la révision constitutionnelle de l'esprit de la constitution, ensuite nous allons essayer de les critiquer. (p.110)

 

I. Exposé Des thèses déduisant des limites à la révision constitutionnelle de l'esprit de la constitution

Selon une partie de la doctrine, la constitution n'est pas une simple tech­nique du pouvoir. Elle a pour objet de réaliser une certaine philosophie politique. Ainsi les principes politico-philosophiques se trouvant à la base de la constitution forment son essence. Ces auteurs constatent que les dispositions de la constitution relatives à l'intangibilité du régime politique ont pour objet de protéger cette essence de la constitution contre toute atteinte du pouvoir de révision constitutionnelle. D'après eux, même si le texte de la constitution ne prévoit pas expressément l'intangibilité de cette essence, le pouvoir de révision constitutionnelle ne peut pas mettre en cause ces principes fondamentaux formant l'essence de la constitution. Car, la modification de tels principes, autrement dit le changement de l'essence de la constitution, signifierait l'effon­drement du système constitutionnel tout entier et sa substitution par un autre. Et selon ces auteurs, la modification de l'essence de la constitution par le pouvoir de révision constitutionnelle, tout en respectant la forme régulière de la révision constitutionnelle, constitue une « fraude à la constitution ».

1. Par exemple selon Georges Burdeau, « l'organe révisionniste ne saurait, sans commettre un détournement de pouvoir, ruiner les bases fondamentales du système politique auquel est liée son existence »[4]. Ainsi le professeur Burdeau voit une « solidarité entre le fondement politico-philosophique de la constitu­tion et le type de révision »[5]. D'après lui,

« un organe aussi ‘marqué’ par son origine est incapable à la fois moralement juridi­quement d'entreprendre l'élaboration d'une constitution s'inspirant d'un esprit diffé­rent de celle dont il procède. Moralement une telle entreprise serait une trahison de la volonté des constituants qui, en créant l'organe, ont songé à l'oeuvre qu'il accompli­rait. Juridiquement, l'attitude de l'autorité révisionniste aboutirait à le priver de son titre par le fait même qu'elle répudierait le fondement constitutionnel du Pouvoir politique »[6].

2. Cette thèse est défendue en Belgique de façon très claire par Pierre Wigny. Il affirme que « la Constitution est plus qu'une technique du pouvoir. Elle implique une conception de l'Etat et plus spécialement des relations qui doivent exister entre les individus. Nous avons, dit-il, opté pour la démocratie... Il paraît juste que même en respectant toutes les procédures de l'article 131, on ne peut supprimer la souveraineté nationale, les libertés individuelles, les élections libres et périodiques »[7]. Selon le professeur Wigny, « la constitution (p.111) ne peut être une forme vide, une simple mécanique juridique. Elle a été inspirée par une philosophie politique dont on ne peut pas la séparer. La procédure de la révision ne peut aboutir à un bouleversement de l'Etat »[8]. Pierre Wigny estime qu'« il faut rien moins qu'une révolution pour abandonner les principes fonda­mentaux d'un régime et transformer une société. Pour ce faire on ne peut se contenter d'invoquer les règles ordinaires de la révision constitutionnelle »[9]. Autrement dit, dans ce domaine Pierre Wigny n'admet pas le changement paisible. Selon lui, la constitution « n'a pas à prévoir son abandon »[10]. Ainsi le professeur Wigny dénie, à l'avance, « toute valeur juridique à des manoeuvres qui aboutiraient, en respectant les apparences légales, à vider le régime de sa substance démocratique en laissant subsister les institutions comme un vain décor juridique »[11]. Le professeur Wigny applique ces principes à la Constitu­tion belge. Il constate d'abord que chaque article de la Constitution belge peut être révisé selon la procédure prévue par l'article 131. Mais, selon lui, « on ne peut cependant modifier l'essence même du régime. L'opération ne serait plus alors une révision, mais une révolution »[12]. Bref pour Pierre Wigny, « dans le texte de la Constitution, il y a des principes intangibles parce qu'ils constituent l'essence même du régime politique »[13]. A la question de savoir « quelle est cette essence », il donne la réponse suivante : « C'est la démocratie. Celle-ci est d'abord individuelle et comporte le principe des libertés. Chacune des disposi­tions du titre II est susceptible d'amendement. Mais l'esprit doit être conservé. Il procède d'une philosophie politique »[14].

3. Il est intéressant de constater que la thèse de l'existence des limites découlant de l'essence de la constitution, sous l'appellation de la théorie des « limites matérielles implicites », est particulièrement défendue dans la doctrine constitutionnelle suisse. Pourtant la Constitution suisse de 1874 ne contient aucune disposition prévoyant des limites de fond. De plus, elle peut être révisée totalement ou partiellement en tout temps (art.118). En outre, le droit d'initia­tive populaire exclut toute limitation quant à l'objet. Pourtant plusieurs auteurs[15] affirment que la liberté du pouvoir de révision ne saurait être totale. Selon ces auteurs, il y a des limites matérielles à la révision constitutionnelle qui se dégagent de l'essence de la Constitution. Ainsi ils pensent que certaines dispositions constitutionnelles réputées fondamentales sont intangibles. (p.112)

a) Par exemple pour le professeur L. Giacometti

« les libertés individuelles reconnues par la constitution doivent présenter une barrière infranchissable à la toute-puissance de l'Etat. L'Etat de droit ne saurait être réalisé plei­nement si le pouvoir de révision (pouvoir constituant institué) n'est pas, lui aussi, lié par les dispositions voulues par le constituant originaire en matière de séparation des pouvoirs, de libertés individuelles, de droits politiques et d'égalité devant la loi. Ces principes doivent être déclarés éternels par le pouvoir constituant originaire »[16].

b) Antoine Favre affirme également qu'« il existe des droits qui ne dépen­dent pas d'une votation, des droits qu'on peut appeler permanents et qu'il n'appartient à aucun législateur, et pas non plus au constituant suisse, de modifier »[17]. Parmi ces droits, Antoine Favre cite « la liberté de conscience, la liberté d'association, la liberté de manifester ses opinions, notamment par la voie de presse »[18]. De plus, selon lui, « ‘au‑dessus de la constitution’ il y a la justice, il y a le droit, dont la loi doit être l'expression si elle ne veut pas être une violence, et dont tous les organes de l'Etat, y compris le souverain popu­laire, sont les ministres »[19]. En outre, « la constitution démocratique de la Suisse confère aux citoyens des droits politiques dont il est évident, si l'on est logique, qu'ils ne doivent pas être utilisés pour détruire la démocratie. L'Assemblée fédérale accepterait-elle de soumettre à la votation populaire une initiative qui tendrait à substituer au régime démocratique la dictature du parti unique »[20] ? Encore, d'après Antoine Favre, le principe de la séparation des pouvoirs[21] et le régime fédératif[22] ne sont pas susceptibles de révision constitu­tionnelle.

c) De même Marcel Bridel et Pierre Moor pensent que le pouvoir de révi­sion constitutionnelle ne peut pas réviser les principes faisant partie de ce qu'ils appellent les essentialia de la Constitution fédérale suisse, c'est‑à‑dire les « éléments primordiaux du droit public suisse »[23]. Ils considèrent comme tels, le principe de la démocratie, celui du fédéralisme, le principe de l'Etat de droit et les droits de l'homme[24]. Selon les auteurs, les dispositions constitutionnelles qui les consacrent « n'ont pas un caractère constitutif, mais déclaratif »[25]. De plus, (p.113) « ces essentialia ne font pas tous l'objet des dispositions expresses. Ainsi en est-il de l'Etat de droit, qui ne se déduit qu'indirectement de l'ensemble de nos règles constitutionnelles. De même le principe de la séparation des pouvoirs n'est exprimé nulle part »[26].

Marcel Bridel et Pierre Moor affirment que les principes faisant partie des essentialia

« sont proprement supraconstitutionnels ; ils s'imposeraient à nous, disent-ils, même si la Constitution ne les formulait pas expressément. Et de ce que nos constituants ont reconnu la nécessité de les incorporer à notre droit positif, il ne résulte pas que nous puissions en disposer à notre guise. Bien entendu, il nous appartient d'en modifier la formule... En revanche, nous ne saurions y renoncer sans trahison »[27].

De plus les auteurs pensent que ces principes dominent toute la Constitu­tion « en vertu d'un ordre supérieur, d'un ordre transcendant »[28]. Marcel Bridel et Pierre Moor ajoutent que « nous ne saurions nous soustraire [à ces principes] sans commettre une hérésie ou sans nous retrancher de la communauté des nations de civilisation chrétienne (sic) »[29].

d) Enfin, Jean Darbellay a une position plus modérée sur les limites maté­rielles du pouvoir de révision. D'abord il souligne les difficultés de la doctrine des limites matérielles[30]. Selon lui, « ce qui a été institué est oeuvre humaine et peut être révisé. Seul est intangible ce dont la nécessité est permanente : la recherche du bien politique par des moyens honnêtes adaptés aux circonstances de temps et de lieux »[31]. Ainsi, « seules, dit‑il, pourraient être écartées les initiatives déraisonnables, dont l'exécution s'avère impossible, ou qui con­sacrent une injustice flagrante, une violation évidente du droit naturel, les initiatives abusant manifestement d'un droit ou portant sur des matières étrangères à l'ordre constitutionnel »[32].

4. Quand il s'agit de la limitation matérielle du pouvoir de révision, on se réfère souvent à la doctrine de Carl Schmitt. Le célèbre constitutionnaliste du IIIe Reich fait la distinction entre la « constitution » (Verfassung) et la « loi constitutionnelle » (Verfassungsgesetz)[33]. La « constitution » est une décision unique  (p.114) qui détermine le choix global de l'unité politique[34]. Elle « est valide grâce à la volonté politique existante de celui qui la donne »[35]. En revanche, les « lois constitutionnelles » contiennent telles ou telles normations particuliè­res[36]. Elles « n'ont de validité que sur le fondement de la constitution »[37]. Ensuite, selon Carl Schmitt, le choix du peuple allemand pour la démocratie, la souveraineté populaire, la république contre la monarchie, le fédéralisme, l'Etat de droit bourgeois avec ses principes, droits fondamentaux et séparation des pouvoirs ne sont pas des lois constitutionnelles, « ce sont les décisions poli­tiques concrètes qui fixent la forme d'existence politique du peuple allemand et forment le présupposé fondamental de toutes normations ultérieures, même celles données par les lois constitutionnelles »[38]. « Elles forment la substance de la constitution »[39].

L'importance pratique de la distinction entre la « constitution » et la « loi constitutionnelle » apparaît du point de vue de leur révision. Car, selon Carl Schmitt, la constitution est intangible. « Par la voie de l'art.76[40] on peut modifier les lois constitutionnelles, mais pas la constitution »[41]. « Que la ‘constitution’ puisse être révisée ne veut pas dire que les décisions politiques fondamentales qui constituent la substance de la constitution peuvent être abrogées à tout moment par le parlement ou remplacées par n'importe quelles autres. Le Reich allemand ne peut pas être transformé en monarchie ou en république soviétique par une décision du Reichstag à la majorité des deux tiers »[42].

Ainsi Carl Schmitt fonde la limitation du pouvoir de révision constitution­nelle sur cette distinction elle-même. Selon lui la « révision de la constitution », c'est la « modification du texte des lois constitutionnelles en vigueur jusqu'alors »[43], et non pas la modification de la « constitution », c'est‑à‑dire les décisions politiques fondamentales qui constituent la substance de la constitu­tion. « Le pouvoir de révision constitutionnelle ne contient donc que le pouvoir d'apporter à des dispositions légiconstitutionnelles des modifications, addi­tions, compléments, suppressions, etc., mais pas le pouvoir de donner une nouvelle constitution »[44]. Ainsi « une révision constitutionnelle qui transforme un Etat fondé sur le principe monarchique en un Etat régi par le pouvoir constituant du peuple ne peut en aucun cas être conforme à la constitution... Vice versa tout autant : une constitution fondée sur le pouvoir constituant du peuple ne  (p.115) peut pas être transformée en une constitution de principe monar­chique par une ‘modification’ ou ‘révision’ des lois constitutionnelles »[45]. Carl Schmitt souligne encore que

« la procédure de l'art. 76 RV[46] ne devrait pas autoriser à substituer une autre décision politique aux décisions fondamentales qui forment la constitution (à la différence de la réglementation légiconstitutionnelle). Ainsi, la procédure de l'art.76 ne pourrait pas transformer le droit de vote démocratique en un système de soviets ; les éléments fédéralistes que contient encore aujourd'hui la constitution du Reich ne peuvent pas être abrogés d'un coup de plume par la procédure de l'art.76... Une ‘révision’ de l'art.1 al.1 ou 41 RV, etc., ne pourrait pas non plus transformer la fonction du Reichspräsident en celle d'un monarque... Des modifications de cette importance provoquent un changement de constitution, et non une révision constitutionnelle »[47].

En conséquence, selon la théorie de Schmitt, il existe toujours des limites à la révision constitutionnelle découlant de la substance de la constitution, qu'elles soient explicites ou non.

5. A propos de la révision de l'esprit de la constitution, dans la doctrine du droit constitutionnel français, plusieurs auteurs parlent de « fraude à la consti­tution »[48]. Selon ces auteurs, la modification de l'esprit de la constitution par le pouvoir de révision constitutionnelle tout en respectant la forme régulière de la révision constitutionnelle constitue une « fraude à la constitution ». C'est Georges Liet-Veaux qui a pour la première fois, semble-t-il, utilisé cette notion[49]. Il définit la fraude à la constitution comme le procédé « par lequel la lettre des textes est respectée, tandis que l'esprit de l'institution est renié. Respect de la forme pour combattre le fond, c'est la fraude à la constitution »[50]. En d'autres termes, dans ce procédé, le pouvoir de révision constitutionnelle utilise ses pouvoirs pour établir un régime d'une inspiration toute différente, tout en respectant la procédure de révision constitutionnelle. Ce procédé dissimule en réalité une révolution. L'établissement des régimes fasciste en Italie et national socialiste en Allemagne illustre parfaitement ce procédé[51].  (p.116)

6. Dernièrement il faut noter que l'article 112 de la Constitution norvé­gienne du 17 mai 1814 interdit expressément la modification de l'esprit de la Constitution. Selon cet article les amendements de la Constitution « ne pour­ront, toutefois, pas être incompatibles avec les principes de la Constitution; ils devront seulement porter sur des dispositions particulières et ne pas transfor­mer l'esprit de la Constitution »[52].

II. Critique de ces thèses

1. D'abord il convient de remarquer que, si on laisse de côté l'article 112 de la Constitution norvégienne du 17 mai 1814, les limites que nous venons de voir ne trouvent pas leur fondement dans les textes constitutionnels. Elles ne sont pas formulées expressément par les textes constitutionnels. On ne peut pas les déduire encore de façon directe ou dérivée d'une disposition constitution­nelle. Ces limites, comme celles qui sont déduites des principes supraconstitu­tionnels, sont privées de toute existence positive.

2. Après avoir indiqué que ces limites sont privées de toute existence posi­tive, on peut facilement démontrer le caractère jusnaturaliste des thèses favorables à l'existence des limites déduites de l'essence de la constitution. Ce caractère peut être suivi de façon plus claire chez les auteurs suisses que nous avons cités plus haut. Rappelons-nous que Marcel Bridel et Pierre Moor parlaient d'un « ordre transcendant », d'une « hérésie », de « se retrancher de la communauté des nations de civilisations chrétienne » (sic) et Jean Darbellay d'une « injustice flagrante », d'une « violation évidente du droit naturel ». Même si chez les autres auteurs, on ne trouve pas toujours de références aussi directes au droit naturel que celles-ci, nous pensons que ces thèses ne sont pas soute­nables si l'on n'admet pas la conception jusnaturaliste du droit. Car pour attribuer la valeur juridique aux limites qui n'existent pas dans les textes positifs, on a nécessairement besoin d'une conception jusnaturaliste du droit.

3. Notre troisième remarque va dans le même sens. Les thèses qui déduisent des limites à la révision constitutionnelle de l'essence de la constitution impli­quent nécessairement une conception matérielle de la constitution. Car il est évident que les principes constitutionnels fondamentaux faisant partie de l'essence de la constitution sont déterminés par leur matière, et non pas par leur forme. Car, du point de vue de leur forme, tous les principes constitutionnels ont la même valeur en tant que dispositions se trouvant dans le même texte. Par exemple, lorsque l'on dit que l'art.4 de la Constitution suisse qui règle le principe d'égalité est intangible et que l'art. 23bis, al.3, qui dispose que la Confédération « accorde en cas de besoin des facilités aux moulins afin de réduire leurs frais de transport, à l'intérieur du pays » ne l'est pas, il est évident que  (p.117) l'on prend en considération le contenu de ces articles. Or, du point de vue de leur forme, on ne peut pas établir de distinction entre ces deux articles qui se trouvent dans la même Constitution.  

4. Les thèses favorables à l'existence des limites découlant de l'essence de la constitution aboutissent à une hiérarchisation entre les normes constitution­nelles. En effet, quand on dit que telles ou telles dispositions de la constitution concernent l'essence de celle-ci, et par conséquent qu'elles sont intangibles, on établit inévitablement une hiérarchie entre les dispositions de la constitution, hiérarchie que l'on trouve d'ailleurs dans la théorie de Marcel Bridel et Pierre Moor. Ils écrivent que « de proche en proche et degré en degré, se dessinent une hiérarchie ou plutôt des hiérarchies formelles parmi les dispositions de la Constitution »[53]. Ils attribuent le premier rang aux règles faisant partie de ceux qu'ils appellent les essentialia, le deuxième rang aux règles qu'ils qualifient d'accidentalia, et le troisième rang aux règles qui doivent normalement figurer dans des lois ordinaires[54].

5. L'esprit ou l'essence de la constitution n'est pas une notion objective­ment définissable. Le dictionnaire Petit Robert définit le mot « esprit » (dans ce contexte) comme « le sens profond du texte », et celui « essence » comme « ce qui constitue... la nature intime des choses ». Qu'est‑ce que le sens profond d'un texte constitutionnel ? Qu'est‑ce qui constitue la nature intime d'une constitu­tion ? A notre avis, on ne peut pas donner de réponse objective à ces questions. En effet comme le remarque à juste titre Jean-François Aubert, cette doctrine « fait appel à des règles mystérieuses, que peut seule dégager une herméneu­tique divinatoire »[55]. On a dit que l'esprit est le sens profond du texte. Or, François Luchaire affirme qu'« il ne faut pas confondre le sens d'un texte avec son esprit »[56]. Selon l'auteur, « le sens... résulte de l'ensemble des dispositions d'un texte... ; sa recherche suppose une démarche objective ; l'esprit – plus ou moins arbitrairement attribué à un texte – est recherché en grande partie en dehors du texte en tenant compte de tout ce qui l'environne ; sa recherche est beaucoup plus subjective »[57]. « L'esprit de la loi, dit François Luchaire, n'est qu'un prétexte pour ajouter à la loi et même parfois pour l'écarter »[58]. (p.118)

6. Nous arrivons ainsi au caractère subjectif et arbitraire des thèses favo­rables à l'existence des limites déduites de l'esprit de la constitution. A cet égard, Marie‑Françoise Rigaux remarque à juste titre que la valeur de ces limites « n'est pas appréciée en vertu de critères juridiques mais dépend d'un certain nombre de jugements politiques ou moraux tout à fait étrangers à la positivité constitutionnelle »[59]. En effet, pour justifier l'inamovibilité de cer­taines matières constitutionnelles, ces thèses recourent « à des postulats éthiques ou politiques »[60]. Ce n'est pas le droit positif qui est la source directe de ces limites mais l'interprétation qu'en donnent les auteurs et les appréciations personnelles qu'ils font de celles-ci[61]. Par conséquent les limites découlant de l'esprit de la Constitution dépendent des jugements de valeur personnels des auteurs[62]. Les motivations véritables de ces thèses sont donc métajuridiques[63]. Ainsi Jean-François Aubert précise que ces thèses pourraient « un jour couvrir des arrière-pensées politiques »[64].

A cet égard, Guy Héraud remarque à juste titre que

« dès que l'on se détache de la lettre du texte pour spéculer d'une façon abstraite sur ‘l'esprit d'une législation’, on aborde un terrain périlleux, et la diversité des apprécia­tions montre le caractère trop subjectif de telles spéculations poussées à l'excès. A l'extrême, toute loi nouvelle, peut-on dire, modifie tant soit peu l'esprit d'un régime »[65].

Ainsi selon Guy Héraud, quand un texte constitutionnel permet une révi­sion illimitée, la révision constitutionnelle « peut aller à l'encontre de la philo­sophie constitutionnelle antérieure »[66]. Parce qu'il faut apprécier les innova­tions au regard des règles de révision, et non pas par rapport à l'ordre ancien. Ainsi l'organe de révision peut « donner naissance à une philosophie nou­velle »[67]. Et cette philosophie peut ruiner la précédente. Car, la constitution, dans ses règles de révision, autorise ce changement[68]. Bref, selon Guy Héraud, « la philosophie qui se dégage de la procédure révisionniste n'est autre chose que l'acceptation des changements constitutionnels autorisés par les textes mêmes »[69].

D'ailleurs, à cet égard il est significatif de voir que les partisans de ces thèses sont eux-mêmes divisés sur la liste des limites découlant de l'esprit de la Constitution. (p.119)  Par exemple, comme le constate Jean-François Aubert, en Suisse, L. Giacometti tient la liberté du commerce pour intangible, tandis que Hans Haug la déclare suppressible[70].

7. En Suisse, les exemples proposés par la doctrine pour illustrer les limites implicites sont parfois surprenants : « la socialisation des femmes et des enfants, la suppression du mariage et de la famille, la suppression de la propriété privée, la vente d'un canton à un Etat voisin »[71], la révision selon laquelle « tous les administrés dont le nom commence par A paieront trois fois plus d'impôts »[72]. Avec Jean-François Aubert[73], on peut souligner la vanité de tels exemples.

8. Enfin il faut noter que les thèses favorables à l'existence des limites à la révision constitutionnelle découlant de l'esprit de la constitution ne sont jamais confirmées par la pratique constitutionnelle. A notre connaissance, aucun organe constitutionnel ni aucune cour constitutionnelle n'a consacré jusqu'à maintenant l'existence de telles limites. Au contraire, en Suisse, le Conseil fédéral a refusé la l'existence de telles limites. Il a dit, en 1919, qu'« en matière de législation constitutionnelle, il existe des limites de forme, il n'y en a point en ce qui concerne le fond »[74]. En 1955, le Conseil l'a répété de façon encore plus claire :

« Il n'existe pas de disposition disant ce qui peut et ne peut pas faire l'objet d'un texte constitutionnel. La Constitution n'a fixé ni expressément ni tacitement de limites matérielles à sa révision »[75].

* * *

Appréciation générale. – Ainsi après avoir vu successivement l'exposé et la critique des thèses favorables à l'existence des limites à la révision constitution­nelle découlant de l'esprit de la constitution, nous allons rechercher maintenant si ces principes remplissent les conditions de la validité juridique. Dans la théorie positiviste, il y a plusieurs conditions de la validité juridique d'une norme. Cet article n'a pas pour objet de déterminer les conditions de la validité juridique d'une norme. Cependant, il convient de noter que quand on parle de la validité juridique d'une norme, la première question qui se pose à son égard est celle de son existence matérielle[76]. Car une norme matériellement inexistante  (p.120) ne peut faire l'objet d'aucune qualification juridique. Par l'existence matérielle d'une norme, on entend l'existence d'un support concret, comme un document ou une parole rituelle, en un mot, un instrumentum[77].

Maintenant recherchons l'existence matérielle des limites à la révision constitutionnelle déduites de l'esprit de la constitution.

Nous avons déjà constaté que les limites déduites de l'esprit de la constitu­tion ne trouvent pas leur fondement dans les textes constitutionnels. Elles ne sont pas formulées expressément par les textes constitutionnels. On ne peut pas les déduire encore de façon directe ou dérivée d'une disposition constitution­nelle. Ces limites sont privées de toute existence positive. En effet, comme le remarque à juste titre Marie-Françoise Rigaux, ces limites sont les résultats d'une « construction doctrinale »[78]. M.-F. Rigaux observe que ce n'est pas le droit positif qui est la source directe de ces limites, mais les interprétations qu'en donnent les auteurs et les appréciations personnelles qu'ils font de celles-ci[79]. Les limites proposées par la doctrine au nom de l'esprit de la constitution sont donc privées de toute existence matérielle. Elles ne figurent sur aucun support concret, dans aucun document. C'est pourquoi il est complètement impossible d'établir l'existence de l'instrumentum dans lequel se trouvent ces limites.

Par exemple où donc est inscrite en Suisse la limite déduit par Jean Darbellay selon laquelle le pouvoir de révision ne peut pas consacrer « une injustice flagrante, une violation évidente du droit naturel » ? Où figure égale­ment l'intangibilité des droits de l'homme ? On nous dira probablement « dans l'esprit de la constitution ». Mais qu'est‑ce que cet esprit de la constitution ? Comme nous l'avons dit, ce n'est pas une chose positivement existante, mais une « construction doctrinale ». En tout cas, personne ne peut nous montrer un document dans lequel est décrit l'esprit de la constitution[80]. Même si on nous montre  (p.121) le document de la constitution elle-même, chacun en tirera un esprit différent, conformément à ses propres jugements de valeur[81].

Seul le pouvoir constituant originaire est compétent pour poser des limites à l'exercice du pouvoir de révision constitutionnelle. Or, dans cette théorie, les auteurs croient pouvoir poser des limites à la révision constitutionnelle au nom de l'esprit de la constitution. Ainsi ces auteurs se substituent au pouvoir constituant originaire grâce à l'esprit de la constitution.

En résumé les limites déduites de l'esprit de la constitution n'ont pas d'existence matérielle, par conséquent elles ne remplissent pas la première condition préalable de validité juridique. C'est pourquoi, ces limites, étant matériellement inexistantes, sont privées non seulement de valeur constitution­nelle, mais encore de toute valeur juridique. Par conséquent, il est vain pour un positiviste de continuer à débattre la valeur des limites à la révision constitu­tionnelle déduites de l'esprit de la constitution. Pour lui, les limites à la révision constitutionnelle consistent en celles inscrites dans les textes constitutionnels.

 


 

* Faculté de droit de l'Université d'Ankara.

[1]. Il convient de noter que les expressions « les limites implicites » et « les limites tacites » sont trompeuses. Car, les adjectifs « implicites » ou « tacites » donnent l'illusion de croire que ces limites sont virtuellement contenues dans la constitution elle-même. Or ces limites dites « implicites » ou « tacites » non seulement ne sont pas formulées par les textes constitutionnels, mais encore elles ne peuvent pas être tirées de façon directe ou dérivée d'une disposition constitutionnelle. En d'autres termes ces limites ne trouvent pas leur fondement dans des textes constitutionnels. (L'adjectif « implicite » est défini par le dictionnaire Petit Robert, comme « qui est virtuellement contenu dans une proposition... sans être formellement exprimé, et peut en être tiré par déduction, induction »). Quant à l'adjectif « immanent », il fait appel à la « nature des choses ». On envisage même une distinction entre les limites implicites et imma­nentes (Voir Marie-Françoise Rigaux, La théorie des limites matérielles à l'exercice de la fonction constituante, Bruxelles, Larcier, 1985, p.105). C'est pourquoi nous préférons utiliser l'expression « les limites déduites de l'essence de la constitution ».

[2]. Selon le contexte, nous utiliserons parfois le mot « essence » ou « substance » au lieu de celui d'« esprit ».

[3]. Il faut ajouter que certains auteurs examinent ces limites sous le thème de la « fraude à la constitution », car ces auteurs considèrent la révision de l'esprit de la constitution comme une « fraude à la constitution ». Voir infra, note 48 et 49.

[4]. Georges Burdeau, Traité de science politique, (Tome IV : Le statut du pouvoir dans l'Etat), Paris, L.G.D.J., 3e édition, 1983, p.238.

[5]Ibid., p.232.

[6]Ibid., p.232-233. C'est nous qui soulignons.

[7]. Pierre Wigny, Propos constitutionnels, Bruxelles, Bruylant, 1963, p.25, cité par Rigaux, op. cit., p.103.

[8]. Pierre Wigny, Droit constitutionnel : principes et droit positif, Bruxelles, Bruylant, 1952, t.I, p.215.

[9]Ibid.

[10]Ibid.

[11]Ibid.

[12]Ibid., p.216. C'est nous qui soulignons.

[13]Ibid., p.217.

[14]Ibid. C'est nous qui soulignons.

[15]. Par exemple, Hans Nef, Hans Haug, L. Giacometti, Louis Dupraz, Werner Kägi, Martin Luchsinger, Karl Spühler, Jean Darbellay etc. Pour les théories de ces auteurs voir : Jean-François Aubert, Traité de droit constitutionnel suisse, Neuchâtel, Editions Ides et Calendes, 1967, t.I, p.130 et s.

[16]. L. Giacometti, Allgemeine Lehren des Rechtsstaatlichen Verwaltungsrechts, Zurich, 1960, t.I, p.27 cité par Jean Darbellay, « L'initiative populaire et les limites de la révision constitutionnelle », Revue du droit public, 1963, p.733.

[17]. Antoine Favre, Droit constitutionnel suisse, Fribourg, Editions universitaires de Fribourg, 1966, p.413.

[18]Ibid.

[19]Ibid.

[20]Ibid., p.414.

[21]Ibid.

[22]Ibid., p.415.

[23]. Marcel Bridel et Pierre Moor, « Observations sur la hiérarchie des règles constitutionnelles », Revue du droit suisse (= Zeitschrift für Schweizerisches Recht), Vol. 87, 1968, I, p.406.

[24]Ibid.

[25]Ibid.

[26]Ibid., p.408.

[27]Ibid., p.412.

[28]Ibid.

[29]Ibid.

[30]. Jean Darbellay, « L'initiative populaire et les limites de la révision constitutionnelle », Revue du droit public, 1963, p.738.

[31]Ibid., p.737.

[32]Ibid., p.738.

[33]. Carl Schmitt, Théorie de la Constitution, Trad. par Lilyane Deroche, Paris, P.U.F., Coll. « Léviathan », 1993, p.151.

[34]Ibid., p.152.

[35]Ibid.

[36]Ibid., p.152, 153.

[37]Ibid., p.153.

[38]Ibid., p.155.

[39]Ibid. C'est nous qui soulignons.

[40]. L'article 76 de la Constitution de Weimar règle la procédure de révision constitu­tionnelle.

[41]Ibid., p.156.

[42]Ibid.

[43]Ibid., p.237.

[44]Ibid., p.241.

[45]Ibid., p.242.

[46]. RV = Reichsverfassung, c'est‑à‑dire, la Constitution du Reich allemand du 11 août 1919, dite Weimar.

[47]. Schmitt, op. cit., p.243.

[48]. Voir par exemple Burdeau, Traité de science politique, op. cit., t.IV, p.245; Charles Cadoux, Droit constitutionnel et institutions politiques, (tome I : Théorie générale des institu­tions politiques), Paris, Cujas, 3e édition, 1988, p.151;  Benoît Jeanneau, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Dalloz, 8e édition, 1991, p.94 ; Pierre Pactet, Institutions politiques - Droit constitutionnel, Paris, Masson, 13e édition, 1994, p.76 ; Georges Burdeau, Droit constitutionnel, 21e édition par Francis Hamon et Michel Troper, Paris, L.G.D.J., 1988, p.77 ; Charles Debbasch, Jean-Marie Pontier, Jacques Bourdon et Jean-Claude Ricci, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Economica, 3e édition, 1990, p.94.

[49]. Georges Liet-Veaux, « La ‘fraude à la constitution’ : essai d'une analyse juridique des révolutions communautaires récentes », Revue du droit public, 1943, p.116-150.

[50]Ibid., p.145.

[51]. Burdeau, Traité de science politique, op. cit., t.IV, p.245 ; Liet-Veaux, « La ‘fraude à la constitution’ », op. cit., p. 145-150.

[52]. Boris Mirkine-Guetzévitch, Les Constitutions européennes, Paris, P.U.F., 1951, t.I, p.426. Ainsi que voir Amos J. Peaslee, Constitutions of Nations, 3e édition révisée, préparée par Dorothy Peaslee Xydis, The Hague, Martinus Nijhoff, 1968, Vol. III, « Europe », p.705. C'est nous qui soulignons.

[53]. Bridel et Moor, op. cit., p.409.

[54]Ibid., p.410-411.

[55]. Aubert, op. cit., t.I, p.132.

[56]. François Luchaire, « De la méthode en droit constitutionnel », Revue du droit public, 1981, p.314.

[57]Ibid., p.314-315.

[58]Ibid., p.315. François Luchaire donne l'exemple suivant : « Le Conseil constitutionnel a... dans sa décision du 6 novembre 1962 fait appel à l'esprit de la Constitution pour ajouter à ses dispositions : L'article 61 ne lui paraissait pas préciser si la compétence du Conseil pour contrôler la loi se limitait aux lois votées par le Parlement ou s'étendait aux lois votées par référendum ; il a donc estimé qu'il résulte de l'esprit de la Constitution qui fait du Conseil constitutionnel un organe régulateur des pouvoirs publics que les lois que la Constitution a entendu viser dans son article 61 sont uniquement les lois votées par le Parlement et non point celle qui, adoptées par le peuple à la suite d'un référendum, constituent l'expression de la souveraineté nationale » (Ibid.).

[59]. Rigaux, op. cit., p.101-102.

[60]Ibid., p.102.

[61]Ibid., p.105.

[62]Ibid.

[63]Ibid.

[64]. Aubert, op. cit., t.I, p.132.

[65]. Guy Héraud, L'ordre juridique et le pouvoir originaire, (Thèse, Faculté de droit de Toulouse), Paris, Sirey, 1946, p.256.

[66]Ibid., p.258.

[67]Ibid.

[68]Ibid.

[69]Ibid., p.259.

[70]. Aubert, op. cit., t.I, p.132.

[71]. Darbellay, op. cit., p.730.

[72]Ibid., p.737.

[73]. Aubert, op. cit., t.I, p.133.

[74]Feuille fédérale, 1919, vol. IV, p.661, cité par Aubert, op. cit., t.I, p.134-135.

[75]Feuille fédérale, 1955, vol. II, p.347-348, cité par Aubert, op. cit., t.I, p.138.

[76]. François Ost et Michel van de Kerchove, Jalons pour une théorie critique du droit, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 1987, p.259 ; François Ost, « Validité », in André-Jean Arnaud (sous la direction de-), Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, Paris, L.G.D.J., 2e édition, 1993, p.636.  Notons que la question de l'« existence matérielle » correspond à ce qu'Alexander Peczenik appelle la « question bibliographique de la validité juridique ». En effet, Alexander Peczenik analyse le concept de validité avec une méthode qui comporte quatre opérations. La première opération consiste dans l'énumération des règles que les juristes considèrent comme légalement valables. A cet égard, on peut dire que notre première notion (existence matérielle) est l'équivalent de la première opération (énumération) de la méthode descriptive d'Alexander Peczenik. Il affirme que « la question ‘quelles règles sont-elles légalement valables dans un pays donné ?’ peut être résolue sans aucune définition générale de droit valable. A la faculté de droit et dans son métier, chaque juriste compétent acquiert beaucoup d'informations détaillées sur cette question. Cette information est plus bibliographique que théorique » (Alexander Peczenik, « The Concept ‘Valid Law’ », Scandinavian Studies in Law, Vol. 16, 1972, p.214-215. C'est nous qui soulignons.)

[77]. Ost et van de Kerchove, Jalons pour une théorie critique du droit, op. cit., p.259 ; Ost, « Validité », op. cit., p.636.

[78]. Rigaux, op. cit., p.97.

[79]Ibid., p.105.

[80]. Signalons encore une fois que nous laissons de côté l'article 112 de la Constitution norvégienne du 17 mai 1814 qui interdit expressément la modification de l'esprit de la Consti­tution.

[81]. D'ailleurs comme nous l'avons déjà remarqué, les défenseurs de ces thèses acceptent tous l'existence de limites découlant de l'esprit de la constitution, pourtant ne sont pas d'accord sur la liste de celles-ci. Chacun dresse une liste différente conformément à sa propre concep­tion. Cette différence elle-même démontre l'inexistence objective de ces limites.

 


 

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Kemal Gözler, « Sur la validité des limites à la révision constitutionnelle déduites de l'esprit de la constitution », Annales de la Faculté de droit d’Ýstanbul, Vol, XXXI, mai 1997, p.109-121 (www.anayasa.gen.tr/esprit.htm).

 


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Editeur: Kemal Gözler